Injustices et dangers liés à la réforme de l’assurance chômage

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT – Question écrite n° 38009 à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion sur les injustices et les dangers liés à la réforme de l’assurance chômage.

Question publiée au JO le : 13/04/2021

M. Paul Molac alerte Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion sur la réforme de l’assurance chômage, dont le décret concernant le nouveau mode de calcul de l’allocation chômage entrera en vigueur à compter du 1er juillet 2021. En effet, malgré la crise, le Gouvernement a décidé de maintenir la réforme de l’assurance chômage. Pour rappel, décidée en juillet 2019 après l’échec d’une négociation sociale très encadrée par l’exécutif, la réforme vise à réaliser 2,3 milliards d’euros d’économies par an en durcissant les règles d’indemnisation. Du fait de la crise sanitaire, qui a engendré une crise économique majeure, le Gouvernement a reporté à plusieurs reprises son application, se disant prêt à discuter des « paramètres » de la réforme, mais sans in fine en abandonner l’esprit initial. Ainsi, afin de « tenter de s’adapter au contexte de crise », le ministère du travail a décidé plusieurs aménagements sur les quatre grands paramètres : durée de travail pour ouvrir et recharger des droits, calcul de l’indemnisation, dégressivité de l’allocation et bonus-malus. Ces arbitrages, présentés comme une version « adoucie » de la réforme, ont été dévoilés début mars 2021 et font depuis l’objet d’un rejet de la part les partenaires sociaux qui la jugent « anachronique » et pénalisante pour les demandeurs d’emploi. Il faut dire que cette réforme réduirait drastiquement et immédiatement les indemnités de 850 000 demandeurs d’emploi, à commencer par les plus précaires et les plus jeunes. Ainsi, on sait grâce aux chiffres de l’UNEDIC que, pour 38 % des bénéficiaires de l’assurance chômage, cela se traduirait par une baisse des allocations de plus de 20 %. Conjointement, la durée requise pour ouvrir des droits à l’assurance chômage passera de quatre à six mois de travail sur les 24 derniers mois, ce qui aura pour conséquence directe d’augmenter le volume de demandeurs d’emploi sans allocation, et donc la précarité et la fragilité sociale de ces publics. Cette réforme s’annonce si dévastatrice qu’un dispositif de « plancher » a été imaginé pour garantir que la baisse de l’allocation ne dépassera pas 43 % par rapport à aujourd’hui. Selon les simulations, les grands perdants de la réforme sont ceux que l’on appelle les « permittents », c’est-à-dire les personnes qui travaillent par intermittence, alternant des contrats précaires (CDD, intérim) avec des périodes de chômage ou des personnes en « activité réduite » cumulant jobs précaires et allocations chômage. Ces « permittents », encore appelés « intermittents du travail », représentent plus d’un tiers des chômeurs et pourront, du fait de cette réforme, perdre jusqu’à 250 euros par mois alors que chaque fin de mois leur est d’ores et déjà difficile. En outre, ces « permittents », dans le viseur de la réforme, sont des travailleurs saisonniers, des intérimaires, les jeunes en recherche d’emploi, des extras dans l’hôtellerie, la restauration ou l’évènementiel (etc.), soit ceux qui ont été le plus touchés par la crise au point, parfois, d’être privés de revenus. Le Gouvernement a pourtant bien conscience de leur précarité puisqu’il leur a attribué une aide de 900 euros par mois – sous condition de ressources – durant la crise. Parce que cette réforme intervient dans un contexte de crise inédit, dont il est difficile de mesurer l’ampleur, et que la vitesse de la reprise de l’activité est tout aussi imprévisible et fragile, il paraît inconcevable que la nouvelle réforme vienne pénaliser ceux qui, en plus d’avoir des revenus modestes, n’ont pas d’emploi stable. Cette situation est d’autant plus injuste et paradoxale que c’est avec l’appui des pouvoirs publics que l’usage des contrats courts, dans le secteur privé comme le secteur public, connaît un essor depuis le début des années 2000, augmentant la précarité sur le marché du travail. Pour preuve, au début des années 2000, 6,6 millions de CDD de moins de 1 mois étaient signés chaque année, ce chiffre s’élevant maintenant à plus de 17,6 millions. Autre exemple parlant : selon les chiffres de Pôle emploi Bretagne, dans le seul département du Morbihan, seulement 6 % des contrats annuels signés sont des CDI. C’est pourquoi aller au bout de cette réforme, c’est instaurer un dispositif de double peine. Car, même si la réforme prévoit qu’ils soient indemnisés plus longtemps, des gens aux revenus modestes, qui seront privés de leur emploi peu qualifié, verront leur allocation chômage diminuer – jusqu’à 250 euros par mois – dans une conjoncture économique compliquée rendant difficile la stabilité professionnelle et dans un contexte où le développement des contrats courts progresse, avec l’appui des autorités publiques successives. Aussi, il lui demande si elle envisage le retrait de cette réforme.

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