Montertelot. Bénédict Clavier, le textile comme évidence
Bénédicte Clavier Guillemot vit à Montertelot. Modéliste et couturière, elle a fait de sa passion son métier. Ses activités sont multiples : elle passe de la confection d’un costume masculin pour un mariage à celle de tenues traditionnelles pour un bagad, de l’animation d’ateliers de couture pour amateurs à la restauration et conservation de pièces textiles du patrimoine. Cette expertise spécifique lui permet d’être fréquemment sollicitée pour contribuer à protéger et faire revivre le passé.
L’amour du textile et la découverte de l’histoire
« Ma formation initiale est modéliste. J’ai toujours voulu travailler dans le textile. C’était l’évidence même, et ça l’est toujours. » Bénédicte est originaire de Loire-Atlantique. Elle a suivi ses études à Nantes puis à Paris. Au fil de ses expériences, elle découvre avec un grand intérêt la conservation préventive de textile ancien et décide de se former. Quand vient le moment de chercher un stage, elle mène ses investigations dans toute la France. Celles-ci la mettent sur la piste du château de Crévy (La Chapelle-Caro à Val d’Oust, près de Ploërmel) qui abritait alors un musée du costume.
« La conservatrice, qui avait délégué la tâche de restauration des pièces textiles du musée, m’a orientée vers une restauratrice textile à Ploërmel. Elle m’a pris comme stagiaire, puis nous avons continué l’aventure ensemble. C’était il y a 25 ans maintenant. »
Bénédicte est intervenue, au fil de sa carrière, dans plusieurs établissements culturels prestigieux, français et européens.
« Après le musée du costume, nous nous sommes attelées à la restauration des éléments textiles de la chambre du roi dans le château d’Ussé (Indre-et-Loire). » Elle aura aussi travaillé pour le musée Christian-Dior de Granville, le musée de la Légion d’honneur à Paris, au transfert des collections du musée de Bretagne dans son nouvel environnement des Champs-Libres… Pour cette dernière prestation, elle avait été sélectionnée sur dossier avec une autre spécialiste.
« Il fallait mettre en boîte chaque pièce de manière à la protéger parfaitement. Cela veut dire observer minutieusement chaque pièce, dresser un état des lieux de son état, effectuer les recommandations nécessaires, intervenir parfois en conservation préventive, mettre la pièce dans un contenant spécial conforme aux exigences de conservation, superviser le transfert, puis extraire les pièces de leur emballage protecteur et les réinstaller dans un environnement différent. »
La conservation et la mise en valeur des pièces du patrimoine
La tâche de Bénédicte, quand elle intervient dans des musées, est titanesque. Pour le musée de Bretagne, elle allait jusqu’à la mise en valeur des pièces dans la nouvelle exposition. En tant que modéliste, Bénédicte a un autre savoir-faire : la réalisation de supports 3D. « Être modéliste, c’est créer des prototypes en vue d’une fabrication. Je conçois des prototypes, patrons, etc., d’après des dessins. Tracés, construction, montage : je mets en place tout le cahier technique. »
Comme couturière, elle sait créer l’élément qui manque ou l’accessoire invisible qui fera toute la différence sur la présentation d’une robe. Il faut un jupon pour faire bouffer une jupe, Bénédicte le confectionne. Il faut un buste, une tête, pour exposer un vêtement, Bénédicte s’y attèle. « Je crée les outils de présentation des pièces, ces éléments invisibles qui mettent en valeur les vêtements. Je réponds aux exigences de la scénographie, avec des supports sur-mesure. »
Elle effectue un travail discret, mais essentiel, un travail de l’ombre, pour mettre les vêtements du patrimoine en lumière.
Ce type de prestations lui permet d’avoir entre les mains des milliers de pièces historiques, qui sont autant de sources d’inspiration quand elle crée.
La connaissance de la tradition et le goût de la création
Plonger dans les archives de la mode inspire Bénédicte. Ses clients apprécient particulièrement son expertise. Ils viennent de toute la France, guidés par le bouche-à-oreille. Ils savent qu’elle connaît intimement l’histoire de la mode. Ils savent qu’elle est sensible à la tradition. On la sollicite, par exemple, pour des tenues dans des cercles celtiques. Bénédicte a ainsi travaillé, localement, pour le bagad de Ploërmel. Elle peut créer un ensemble complet ou seulement une pièce manquante.
Ces derniers mois, elle a imaginé et cousu la robe d’inspiration victorienne d’une passionnée de la mode du XIXe siècle. Elle a confectionné un costume trois-pièces, de style néo-breton, pour un futur marié. Tous les défis la nourrissent. « J’ai rencontré récemment un jeune homme investi dans une démarche forte d’écoresponsabilité et de consommation locale. Il cherche à faire réaliser des vêtements sur le territoire, durables, avec des artisans d’ici. Il a beaucoup travaillé sur le sujet de prolonger la vie des vêtements. Ça a été une rencontre passionnante, et ça sera peut-être un prochain défi. »
Bénédicte aime aller sans cesse vers des expériences différentes. Autour de sa passion, elle a tissé son métier sur-mesure pour en tirer tous les fils. « J’aime tout ce que je fais, je me suis spécialisée dans certains domaines, mais je ne pourrais rien lâcher de mes activités, aussi diverses soient-elles. Si je faisais en permanence la même chose, j’aurais l’impression de faire de l’auto-combustion. Au contraire, changer d’univers, partager mes connaissances régénère, me dynamise ! »
Les projets de Bénédicte sont aussi nombreux que secrets. Elle ne dit rien de ce qui l’attend, si ce n’est qu’elle prépare quelque chose de grand pour 2022, ou encore qu’elle travaillera bientôt avec une historienne sur les costumes exposés, pendant un temps, à la Maison du Costume breton de Sérent.
Et du côté de ses envies ? Peut-être d’autres formes d’ateliers, auprès des jeunes, pour transmettre sa passion.