Positionnement de la France concernant la politique de la Turquie au Kurdistan

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT – Question écrite n°93484 au ministre des Affaires étrangères.

Question publiée au JO le : 23/02/2016

Texte de la question

M. Paul Molac interroge M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur le positionnement de la France en ce qui concerne la politique du gouvernement turc à l’égard du peuple kurde, que cela soit sur son territoire, en Irak ou en Syrie. La Turquie tire régulièrement, depuis plusieurs mois, sur des positions kurdes à l’ouest de Tel Abyad en Syrie. Depuis le 13 février 2016, l’artillerie turque pilonne depuis la frontière des villages et des positions des unités de protection du peuple (YPG) dans les secteurs d’Azaz et Efrin, au nord d’Alep, en représailles selon Ankara à des tirs venus de Syrie. Les YPG sont les forces d’auto-défense de l’administration kurde en Syrie. Le Quai d’Orsay a fort justement exprimé « sa préoccupation à l’égard de la dégradation continue de la situation dans la région d’Alep et au nord de la Syrie » et a appelé à la « cessation immédiate des bombardements » de la Turquie dans les zones kurdes de Syrie. Malgré cet appel français à cesser ces tirs et de nombreux autres de la communauté internationale, la Turquie a répondu qu’elle continuerait à frapper les troupes kurdes syriennes. Rappelons que les combattants et combattantes kurdes, s’ils défendent le peuple kurde, sont membres des Forces démocratiques syriennes (FDS) composées également de combattants arabes, turkmènes, assyriens (chrétiens) et yézidis. Ils sont surtout les premiers alliés de la coalition occidentale dont fait partie la France contre les djihadistes de Daech. Dans la continuité de sa politique, le Gouvernement turc a pesé de tout son poids pour exclure les représentants du PYD, principale formation de l’administration kurde, des négociations de paix pour la Syrie qui se sont ouvertes à Genève le 29 janvier dernier. Le PYD est pourtant membre du Conseil démocratique syrien (CDS), une formation kurdo-arabe opposée au régime de Bachar Al-Assad. Par ailleurs, le gouvernement turc, faisant fi de toutes les conventions internationales, a lancé une grande opération militaire destinée à reprendre le contrôle de plusieurs villes à majorité kurde, ne se souciant nullement du sort des populations civiles. Ces opérations, mobilisant des milliers de membres des forces de sécurité sur le terrain, ont conduit à créer une catastrophe humanitaire de grande ampleur sur ces territoires. D’après les organisations turques de défense des droits de l’Homme, plusieurs centaines de civils y ont trouvé la mort, pendant que pour les survivants, les conditions de vie se dégradaient dans des villes bouclées et pilonnées par l’armée turque. Ces privations ont conduit près de 200 000 Kurdes à fuir les zones de combats, craignant pour leur vie et celle de leurs proches. Le positionnement de la France vis-à-vis des agissements turcs est sujet à questionnements, sans doute expliqué par l’appartenance de la Turquie à l’OTAN et par le rôle attendu de celle-ci dans la régulation des migrants. Menacés tout à la fois par les djihadistes de Daech et la répression militaire turque, les populations kurdes de la région ont besoin d’un soutien appuyé de la France et de l’Union européenne. Il lui demande donc d’éclaircir le positionnement de la France vis-à-vis des actions de la Turquie, sur et en dehors de son territoire, concernant les populations et combattants kurdes.

 

Réponse publiée au JO le : 12/04/2016

Texte de la réponse

La France suit avec une grande préoccupation la situation dans le nord de la Syrie et a condamné à de nombreuses reprises les bombardements indiscriminés du régime et de la Russie. Elle a également eu l’occasion de s’exprimer à propos des tirs d’artillerie de la Turquie. La trêve qui a débuté le 27 février dernier a permis de faire baisser le niveau des hostilités mais des dizaines de violations ont été constatées. La France reste donc vigilante et veillera au respect des engagements issus des communiqués de Vienne et de Munich et des résolutions 2254 et 2268 du Conseil de sécurité. La France considère que la priorité absolue doit aller à la lutte contre Daech et aux efforts visant à mettre en œuvre une transition politique en Syrie. Cela comprend notamment la pleine mise en œuvre de la résolution 2254 du Conseil de sécurité, qui établit un calendrier pour cette transition, et l’application de la résolution 2268 qui appelle à une cessation des hostilités et rappelle les obligations humanitaires qui s’imposent à tous. En Syrie et en Irak, la France soutient l’opposition modérée qui se bat contre Daech avec l’appui de la coalition, y compris les Kurdes. La France est, dans ce cadre, attachée au respect de l’unité de la Syrie et de l’Irak, ainsi qu’à la préservation de la sécurité de la Turquie. Il est regrettable que le PYD ait profité du contexte de confusion créé par les opérations menées par le régime syrien avec l’appui de la Russie, pour prendre position dans plusieurs localités au nord d’Alep contre des groupes d’opposition au régime. La France suit avec préoccupation la dégradation des conditions sécuritaires dans le sud-est de la Turquie, notamment dans les principales villes, où les combats occasionnent de nombreuses victimes civiles. La position de la France concernant le PKK a toujours été claire et constante : elle considère qu’il s’agit d’une organisation terroriste et condamne avec la plus grande fermeté ses actions violentes. La condamnation la plus ferme du terrorisme n’est pas exclusive d’un soutien de la France et de ses partenaires de l’Union européenne au retour du processus de dialogue sur la question kurde, qui avait été initié en 2013 et qui avait permis des avancées et de renforcer la stabilité de la Turquie. Ce dialogue doit reprendre avec l’ensemble des acteurs concernés – autorités politiques, société civile, partis politiques, syndicats, universitaires – qui s’inscrivent dans une démarche de non-violence. A cet égard, la France suit attentivement les procédures qui ont été engagées à l’encontre de plusieurs universitaires et personnalités de la société civile signataires d’une pétition sur la situation dans le sud-est de la Turquie. La France et les institutions européennes ont rappelé à plusieurs reprises leur attachement à la liberté d’expression, que la Turquie s’est engagée à faire respecter au travers de ses engagements européens et internationaux.

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