Suppression de la dématérialisation de la propagande électorale

Le mardi 8 novembre, j’ai obtenu en tant que rapporteur pour avis sur une mission budgétaire, la suppression de la dématérialisation de la propagande électorale, consistant au remplacement de l’envoi papier des circulaires au domicile des citoyens par une simple publication sur un site internet public. C’est la troisième fois que le Gouvernement tente de faire adopter une telle mesure, qui n’est pas prête à satisfaire la majorité des citoyens et des élus étant donné la fracture numérique et générationnelle existant encore actuellement.

La vidéo concerne une question orale que j’ai posée au Gouvernement dans le cadre de l’examen du budget afin de savoir s’il y avait des solutions alternatives à ce qu’il proposait, notamment basée sur le volontariat, et si les citoyens recevraient bien leurs documents électoraux à domicile pour l’élection présidentielle, dont l’organisation ne relève pas du Parlement. Ci-dessous vous trouverez l’argumentaire que j’ai développé dans l’amendement que j’ai fait adopter pour supprimer une telle mesure:

AMENDEMENT N o II-332

présenté par
M. Molac, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, Mme Le Dain, M. Zumkeller, M. Benoit, M. de Courson, M. Jégo, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Piron, Mme Sage, M. Jean-Pierre Vigier, M. Villain, M. Alain Marleix, M. Albarello, Mme Ameline, M. Breton, M. Cochet, M. Daubresse, Mme de La Raudière, M. de La Verpillière, M. Dhuicq, M. Door, Mme Fort, M. Fromion, M. Furst, M. Guibal, M. Herth, M. Hetzel, M. Larrivé, M. Lazaro, M. Le Mèner, M. Luca, M. Lurton, M. Mariani, M. Marlin, M. Philippe Armand Martin, Mme Pernod Beaudon, Mme Pons, M. Quentin, M. Salen, M. Straumann, M. Tardy, M. Thévenot, M. Verchère, M. Viala, M. Vitel, Mme Zimmermann et les membres du groupe Socialiste, écologiste et républicain
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ARTICLE 52
Mission « Administration générale et territoriale de l’État »
Supprimer cet article.
EXPOSÉ SOMMAIRE

Après deux premières tentatives pour les élections européennes de 2014 et les élections départementales et régionales de 2015, le Gouvernement propose cette fois-ci la dématérialisation de la propagande électorale pour l’élection présidentielle et les élections législatives à venir. Si la dématérialisation en soi peut être un outil à développer, il convient d’en prévoir une application la plus efficiente possible comme le proposaient plusieurs rapports publics, dont celui en 2015 du précédent rapporteur pour avis de cette mission budgétaire, Monsieur Sergio Coronado. Or, le Gouvernement n’en a pas tenu compte, malgré ses annonces passées visant à travailler à un dispositif plus efficient.

En effet, par dématérialisation de la propagande électorale, le Gouvernement entend toujours une simple substitution de l’envoi papier des circulaires et bulletins de vote des candidats au domicile de tous les électeur par la publication de ceux-ci sous format PDF sur un site Internet public dédié. A l’heure où les outils à disposition permettent une plus grande interaction qu’une circulaire scannée, il est légitime de s’interroger sur l’efficience du dispositif. L’expérimentation menée dans cinq départements tests par le ministère de l’Intérieur lors des scrutins départementaux de 2015 montre d’ailleurs qu’en équivalent de visites uniques, seuls 1,92 % des électeurs inscrits sont allés consulter les sites internet publiant la propagande, à comparer aux 78 % qui lisent la documentation papier qu’ils reçoivent chez eux.

Preuve s’il en est qu’une information, pour qu’elle soit bien relayée, nécessite qu’elle vienne directement à la cible, (diffusion dite portable) ce qui est actuellement le cas, et non l’inverse, qui consiste à faire la démarche d’aller chercher l’information (diffusion dite quérable). C’est le lien entre le citoyen et l’élection qui menace d’être mis à mal, et ce d’autant plus lorsque que l’on note que 17 % de la population n’a pas internet à domicile. Dans ce cas, le Gouvernement prévoit que ces documents seront consultables en mairies ou préfectures, possibilité qui ne sera que très peu usitée, et impactera surtout les personnes ne disposant pas de moyens de transports et à mobilité réduite. Il est utile de noter que sur les 83 % disposant d’internet à domicile, 16 % ne l’utilisent pas, et 21 % ne l’utilisent que très occasionnellement selon une étude de 2013 du Conseil national du numérique. Cette mesure de dématérialisation serait directement confrontée à la fracture numérique et générationnelle, les personnes âgées étant les moins utilisatrices d’internet, et pourrait remettre en cause l’égalité entre les citoyens devant l’élection.

Pourtant, des solutions alternatives existent, qui auraient pu permettre la mise en place d’une telle réforme de manière progressive et plus efficiente. Il aurait ainsi pu être imaginable de mettre en place un mécanisme de volontariat en faveur de la propagande dématérialisée par l’expression de ce choix sur un site internet public ou lors de la réforme des modalités d’inscription sur les listes électorales qui entrera en vigueur au plus tard le 31 décembre 2019. Cette consultation des documents de propagande pourrait par ailleurs se faire par le biais d’un coffre-fort numérique public, tel qui existe déjà au travers de l’outil France Connect, permettant la vérification de l’identité et l’accès sécurisé aux documents.

L’économie espérée de 169 millions d’euros attendue par la dématérialisation pour ces deux scrutins peut être minimisée lorsque l’on considère que les candidats aux législatives dépassant les 5 % se voient remboursés forfaitairement les dépenses effectués dans le cadre de leur campagne dans la limite de 47,5 % du plafond fixé par l’article L. 52 11 du code électoral. Les candidats étant certains de dépasser ces 5 %, c’est à dire ceux représentants les grandes formations, ne se priveront pas de continuer à envoyer de manière séparée leur propagande électorale directement aux foyers de leurs électeurs connaissant la puissance de cet outil et sachant qu’ils seront remboursés. En plus d’être une mesure inégalitaire, au détriment des petites formations, cette mesure pourrait également aboutir à augmenter les remboursements forfaitaires des frais de campagne par l’État.

L’argument écologique avancé par le Gouvernement est lui aussi à nuancer, lorsque l’on considère que l’emploi de papier recyclé ou issu de forêts gérés durablement est obligatoire pour qui veut recevoir le remboursement par l’État. De même, un bilan environnemental de la communication par la voix électronique commandité par l’ADEME en 2011 montrait que l’impression d’un document produisait moins de CO2 que la lecture sur écran pour les documents au-dessus d’un seuil de 8 pages et dont le temps de lecture dépasse les 30 minutes. L’économie numérique impacte donc aussi l’environnement (utilisation de terres rares non renouvelables et de plastiques ; consommation d’énergie électrique pour les appareils, réseaux et serveurs…), même si le transport de la propagande au domicile demeure quant à lui source d’émissions carbone encore difficilement compensable.

Le fait que chaque citoyen reçoive à son domicile, avant l’élection, les professions de foi de l’ensemble des candidates et candidats est une information citoyenne indispensable. Cette information a un coût, économique et écologique, qui est justifié au regard des enjeux, notamment de l’abstention.

Pour toutes ces raisons, cet amendement procède à la suppression de l’article 52 instaurant la dématérialisation de la propagande électorale.

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